"Résist-tente"
la première pièce de la compagnie SDOUF issue des Enfants de Don Quichotte
Par Jean Pierre Thibaudat
Du côté SDOUF, une femme d'un âge que "la galère" a rendu indécidable. Elle n’a pas de nom, mais un prénom Myriam, qui est aussi le prénom d’une actrice, laquelle prévient tout de suite que ce n'est pas du théâtre, qu'elle ne joue pas ou, si l'on veut, qu'elle joue son propre rôle et va raconter son histoire: celle d’une SDF qui avait sa tente au Canal Saint Martin. Elle joue cependant d'autres rôles: une préposée au relogement, un travailleuse sociale, une toxico en manque, une voisine qui habite le quartier en voie de totale boboïsation et qui a des soucis pour décorer son salon -elle semble un peu mal dans sa peau comme l'est madame Reille dans l'autre pièce. Décor unique: un banc spartiate et une tente comme on en voyait des dizaines en décembre 2006 le long du canal.
Dans la salle, les spectateurs ne s'identifient pas aux personnages, ils ne sont pas SDF, mais solidaires, assurément ...
Nicolas Lambert
et paf ! juste là, dans les deux yeux, un document théâtral. Pas un documentaire, un document. Celle qui vit quelque chose d'irracontable le raconte, le dit, l'incarne. Là, sur scène. Pour toi, pour nous. Et sans geindre en plus. En rigolant dès fois même. Et sans te jouer la pleureuse ni te demander d'être charitable. Juste pour qu'on voit.
Voir pour exister. Pas être rien. Faut la remercier la Cie SDOUF: elle nous rend notre regard. On a de la chance. On l'avait perdu de vue sans nous en rendre compte. On les voyait plus. On voyait rien.
C'est que c'est pas rien cette France qui se lève tôt parce que sa tente n'est pas insonorisée ni très bien isolée. Pas rien, ce rejet administratif de sa réalité qui nous montre que la notre de réalité, l'ultra libérale, n'est pas si éloignée du bon vieux soviétisme. C'est pas des gens c'est des SDF. Comme dans "Coup de Torchon" de Bertrand Tavernier : "les nègres, c'est pas des gens, c'est des nèg'."
"SDF"... ça c'est leur dénomination, leur statut, leur petit nom. Nous autres, les inclus, dans notre quotidien, ben oui, on détourne les yeux, le regard, le contact. Dès fois qu'ils se sentiraient pas assez exclus, je-tu-on en rajoute une couche. Pas pour leur faire honte. Juste la peur. Peur de ce que ce système "libéral" nous réserve peut-être et qu'ils incarnent déjà. Bien foutu ce système. Tu veux savoir pourquoi tu dois travailler plus pour que les actionnaires gagnent plus ? et ben regarde, en bas de chez toi. Ta soeur, ton voisin en sont là. Tu veux pas les rejoindre ? alors bosse plus, heure sup' (1)...
Ah c'est pas marrant de regarder ça en face... Mais on a de la chance : on a encore cette pièce-là résist-tente de la Cie SDOUF pour un peu mieux comprendre notre monde, pour résister. Et puis ce lieu là, l'utopique Utopia qui les met en lumière nos résistants des tentes, et qui nous aide chaque mercredi à vivre dans ce monde là en rendant leur sens aux images, aux mots... Le théâtre, le cinéma, des créateurs résistants, tout ça sur un plateau en plein Festival...
Puisque je te le dis qu'on de la chance.
(1) et répète après moi : ils en sont là à cause des trente-cinq heures, ou des bougnoules qu'on doit rejeter à la mer même si ils ne savent pas nager, ou des jeunes de banlieue qu'il faut leur construire des prisons pour leur avenir, ou des chinois, ou de qui tu veux. Ou plus exactement de ceux que Lagardère, Bouygues, Dassault ou autres Bolloré te désigneront dans leurs outils de propagande si subtilement enveloppés
Article paru dans le journal de Haute Loire : L’EVEIL. La troupe de théâtre SDOUF a fait une représentation de son spectacle « résist-tente » à Saint Hostien le 20/09/2008 dans le cadre de la tournée dans le Massif Central.
L’émotion était au rendez- vous samedi 20 septembre dernier à la salle communale pour la venue de la troupe de théâtre SDOUF. Le public présent ne s’y était pas trompé et était venu en nombre.
Au cours des 15 saynètes présentées, la comédienne Myriam a montré tout son talent. Talent d’écriture où malgré les dures réalités du monde de la rue, la poésie restait toujours présente, talent de comédienne avec une sensibilité à fleur de peau qui vous prend aux tripes et qui ne vous lâche plus tout au long du spectacle.
Fiction ? Certainement pas, cette artiste (c’est le mot qu’il convient d’employer quand on parle d’elle), a vécu dans sa chair ces terribles épreuves et la passion mise dans ses jeux ont convaincu un public subjugué.
La découverte, car s’en est une de l’univers du Canal Saint Martin, démontre, s’il en était besoin, que même dans le plus profond dénuement, dans le rejet de tous les bien-pensants, des profiteurs de toutes espèces, on peut garder cette espérance, cette dignité, cultivant malgré tout vaille que vaille les notions de respect d’autrui, de désir et besoin d’échanger, de se faire comprendre. Pour Myriam SDF ne signifie plus Sans Domicile Fixe mais Savoir Décider Faire, c’est dire tout l’engagement qui est le sien à présent. Elle est désormais porte-parole des plus démunis, de ceux qui n’ont peut-être pas eu la force, le courage ni les moyens tout simplement, de s’en sortir.
C’est une leçon d’humanité qui nous est donnée mais aussi et surtout un cri d’espoir. A la fin du spectacle, brisant un lourd silence, Myriam a échangé pendant plus d’une heure avec le public présent.
Un conseil, si ce spectacle devait passer non loin de chez vous, n’hésitez pas, encouragez vos amis, vos connaissances à se déplacer. Quant à l’association de la gestion de la maison communale organisatrice de cette soirée, il a été convenu, l’an prochain, d’inviter Myriam pour son nouveau spectacle. Marc Noguier